mardi 27 septembre 2011

Françafrique : cinquante ans de dérives

Les accusations de Robert Bourgi braquent de nouveau les projecteurs sur les liens troubles qui lient les partis politiques français avec les dirigeants africains.

Symbole de la Françafrique, Omar Bongo, l’ancien président du Gabon, avait tissé des liens avec tous ses homologues français de la Ve République. Ici avec le général de Gaulle.

Symbole de la Françafrique, Omar Bongo, l’ancien président du Gabon, avait tissé des liens avec tous ses homologues français de la Ve République. Ici avec le général de Gaulle. | (afp e


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C’était en juin 2009. Valéry Giscard d’Estaing était interrogé à la radio sur ses relations avec Omar Bongo, le président gabonais qui venait de mourir après avoir connu tous les chefs d’Etat successifs de la Ve République. Elles étaient houleuses, répondit VGE. La preuve, ajouta-t-il, Bongo avait secrètement financé en 1981 la campagne présidentielle de son rival .
Soufflés par cette accusation gravissime, véritable bombe dans l’omerta qui recouvre depuis toujours la Françafrique, des proches de Chirac lui conseillèrent de porter plainte pour diffamation contre Giscard. Mais il en fut vite dissuadé : un tel déballage en place publique ne manquerait pas d’éclabousser tous les dirigeants depuis de Gaulle!

Deux ans plus tard, avec les déclarations fracassantes de Robert Bourgi, voilà la Françafrique qui rebondit sur le devant de la scène. La Françafrique? C’est un système de relations occultes avec les anciennes colonies africaines, mis en place lors de leur accession à l’indépendance au début des années 1960. Avec pour architecte Jacques Foccart, homme de l’ombre du général de Gaulle, dont Bourgi dit être le disciple. Objectif : maintenir un lien étroit — voire de suzeraineté — avec les nouveaux dirigeants de l’ancien pré carré. Pas question pour Paris d’abandonner les richesses pétrolières ou minières de ces pays, ni de laisser ces jeunes Etats basculer sous l’influence d’autres puissances.

Le fonctionnement? D’un côté, les réseaux Foccart garantissent aux chefs d’Etat africains la stabilité politique, Paris intervenant au besoin militairement pour régler leurs problèmes internes. En contrepartie, ces dirigeants aident à financer les partis « amis » en France, en puisant dans les recettes pétrolières ou, tout simplement, dans les sommes versées par Paris au titre de la coopération! Ces réseaux passent aussi par la franc-maçonnerie, très répandue parmi les responsables d’Afrique centrale et de l’Ouest, et s’appuient sur les services secrets français, dont on retrouve les « honorables correspondants » aux postes clés des ambassades ou des firmes comme Elf-Gabon…

Ce système a perduré après de Gaulle, même si Giscard a écarté Jacques Foccart (qui reviendra en 1995 comme conseiller de Chirac jusqu’à sa mort en 1997) au profit… de ses adjoints. Surtout, il a concerné tous les partis, droite et gauche confondues — jusqu’au FN de Jean-Marie Le Pen). Omar Bongo passait ainsi pour l’un des plus fins connaisseurs de la scène politique française. « Sous l’ère Mitterrand, rien n’a changé par rapport à l’époque du général de Gaulle, nous confie Roland Dumas, ancien ministre socialiste des Affaires étrangères. Concrètement, il y avait à l’Elysée quelqu’un qui s’occupait des relations personnelles de  avec les chefs d’Etat africains, tandis que j’avais des relations normales avec eux : le ministre n’est pas un collecteur de fonds! » Ce « quelqu’un », sous Mitterrand, c’était Jean-Christophe, le fils du président, surnommé Papamadi sur le continent noir. Et sous Chirac, ce rôle, selon Bourgi, aurait été assumé par le secrétaire général de l’Elysée, .

A l’évidence, ce système que Chirac n’a pas non plus modifié d’un iota a assuré une longue vie aux nombreux autocrates tropicaux. Et Nicolas Sarkozy a pris son temps avant la « rupture ». Ainsi, en 2007, Rama Yade fut-elle sévèrement tancée au lendemain de sa nomination au secrétariat d’Etat aux Droits de l’homme par l’Elysée pour avoir refusé de rencontrer le président putschiste congolais, Denis Sassou-Nguesso.

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